« administration… cherchons… outil gratuit… »

Une annonce* comme on aimerait plus en lire. Faut-il en rire ou en pleurer ?
Cela tourne à l’anthropophagie sociale, les uns mangent les autres.
Demande-t-on à cette personne si elle désire travailler gratuitement ?
Cette évolution des comportements est un début de licence sociale. Est-il permis dorénavant de voler ?
Pourtant, chacun se méfie, chacun glose ou s’offusque de l’hégémonie des éditeurs mondiaux, seuls capables d’offrir ces services gratuitement.
Si nous parlions de déontologie …
On nous alerte à juste titre sur les offres abusives de stages pratiquement non rémunérés émises par de grands groupes du luxe, on ferait bien de nous mettre tout autant en garde contre certains professionnels, en quête systématique de gratuité.
La gratuité signifie inconsciemment facilité et absence de valeurs ajoutées. En réfléchissant un peu, elle est permise soit grâce à des recettes diversifiées ou peut être considérée comme un investissement commercial. Autrement dit si j’offre un radio-réveil contre un abonnement à un journal, c’est que la publicité vendue par ce titre équilibre les coûts. Et ça, c’est déjà un modèle économique d’un type déclinant de médias.
Si l’on accepte un service gratuit, nous devons en même temps valider notre dépendance à un prestataire pour d’autres services qui eux sont payants ou qui nous aliènent à un réseau : utilisation du nom de votre organisme comme référence, de vos coordonnées pour alimenter le marketing global, etc.
En tous cas, chacune de ces démarches fragilise l’offre des éditeurs indépendants. Si les donneurs d’ordre veulent imposer un monopole composé d’un nombre restreint d’offres de dimensions mondiales, on ne peut que le regretter, si c’est l’acte irréfléchi de certains  collaborateurs, on peut essayer d’en parler.
Daniel Hennemand, v1.0
* Extrait de l’annonce originale publiée hier sur un excellent forum professionnel :
« Bonjour, L’administration, pour laquelle je travaille, a pour projet d’archiver sa production audiovisuelle : sujets montés et rushes. Nous cherchons un outil gratuit qui nous permettrait à la fois d’archiver les documents et de les visionner.
Actuellement… nous utilisons…. Mais il ne me semble pas qu’on puisse regarder des vidéos sur ce logiciel. Connaissez-vous des logiciels gratuits dédiés à la gestion des archives audiovisuelles? Je suis également intéressée par des retours d’expérience … Melle … Documentaliste »

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8 commentaires sur “« administration… cherchons… outil gratuit… »”

  1. G. Vermeren dit :

    Je suis en partie d’accord avec vous mais il n’est malheureusement pas toujours facile pour un documentaliste (junior de surcroît) de jouer au « marchand de tapis » avec sa hiérarchie qui, dans la mouvance actuelle et le contexte omniprésent de pseudo « crise » ne pense qu’en chiffres et en coûts. L’offre « gratuite » existe bel et bien dans le domaine des archives audiovisuelles tout comme dans d’autres domaines et fort heureusement. Cela permet à bon nombre de candidats archivistes/documentalistes d’au moins initier un réel contexte d’archivage à moins de se contenter d’outils bureautiques mal adaptés et très chers. A chacun de se faire sa propre opinion sur la fiabilité de telles solutions qui malgré leur gratuité proposent des services annexes payants pour le client qui veut aller plus loin ou en ressent le besoin. Force aussi est de constater que les solutions gratuites sont très souvent conçues autour du travail collaboratif d’une communauté d’utilisateurs. A ce titre, je pense qu’il y a plus d’idées dans 100 têtes que dans 4 ou 5… Les temps changent, qu’on le veuille ou non, et de grâce, cessons de croire qu’une solution payante est nécessairement garante d’un archivage sans encombres… Archivistiquement vôtre.

  2. Gauthier dit :

    Bonne intervention !
    Juste un petit témoignage, je suis graphiste, gestion des médias (depuis 10 ans)… et documentaliste par diplôme. Un jour, j’ai « décroché » un entretien pour travailler à la promotion d’une école privée (affiches, plaquettes, site).
    Les conditions que l’on m’a proposé étaient les suivantes :
    -10% du Smic (je devais me débrouiller pour compléter avec l’état ???)
    - je viendrais avec mon ordinateur
    - je devais fournir tous les logiciels nécessaires (Suite Adobe)

    Quand j’ai demandé au monsieur s’il connaissait les salaires pratiqués habituellement, il a répondu « Vous savez , c’est la crise et puis les stagiaires, ils ne savent pas tout faire ! ».

    J’ai dit que j’allais réfléchir…

    Bref, je crois que c’est les soldes, profitez-en !

  3. Photogestion dit :

    Sophisme! Bien entendu les solutions collaboratives sont incontournables et elles existent, mais cela n’a rien à voir avec la gratuité. Il appartient aux écoles de faire découvrir ce déjà ancien « nouveau monde » à leurs étudiants. Une fois installé dans le milieu professionnel, les enjeux sont tout autres; on ne joue plus! On œuvre dans un contexte d’efficacité et de rentabilité. Si les décideurs et leurs collaborateurs sont en déficit de connaissance, il leur appartient de s’ouvrir et d’intégrer ces moyens et pas au détriment des éditeurs qui ne demandent qu’à évangéliser ces communautés en manque d’expérience.

  4. dhennemand dit :

    reçu par mail :

    Je vous adresse tous mes voeux pour cette annee 2012, en vous souhaitant pleins de tres beaux projets.
    je viens de trouver votre reponse a propos des logiciels gratuits sur la liste, et je suis tres contente de lire votre reponse !
    je me demandais si j’etais seule de cet avis …
    Cdlt Marie-Luce Poirier

  5. dhennemand dit :

    reçu par mail :
    Monsieur,
    Je me permets de vous contacter suite à votre réponse concernant les logiciels libres. Je vous approuve et vous soutiens dans votre démarche. En tant qu’éditeur de solutions logicielles de dimension nationale, nous sommes confrontés à la concurrence déloyale de ces éditeurs prétendus « libres » qui en fait trompent le consommateur en l’enfermant dans un service payant.
    Vous avez raison, notre modèle économique tend à favoriser les monopoles dans tous les domaines, et nous devons lutter au quotidien pour conserver notre liberté.
    Merci
    guillaume.sebilleau@alternative.fr

  6. dhennemand dit :

    reçu par mail :
    Bravo pour votre message. La désinvolture du message auquel vous répondez m’avait moi aussi quelque peu agacée…
    Sophie, vidéothécaire depuis 20 ans, en recherche d’emploi, également agacée par les « offres » de stage (y compris dans cette liste)

  7. dhennemand dit :

    Monsieur,

    Suite à votre réaction sur la liste …, je vous invite à lire le livre de François Élie Économie du logiciel libre, publié chez Eyrolles. Je suis sûre que vous y trouverez des éléments qui vous intéresseront. François Élie, en plus d’être agrégé de philosophie, est président de l’ADULLACT (association des développeurs et des utilisateurs de logiciels libres pour l’administration et les collectivités territoriales). L’association des programmeurs en informatique libre, ou April (dont je fais partie), pourra également vous renseigner sur les relations entre les logiciels libres et les grands éditeurs mondiaux. Vous serez probablement étonné de constater que les éditeurs de logiciels à visée hégémonique ne font pas de libre (ou alors ils utilisent le Libre comme produit d’appel avec des résultats plus ou moins heureux). En règle générale, ils détestent les libristes et font tout pour miner la crédibilité des logiciels sous licence libre – ce qui est gratuit étant forcément mauvais, truffé de virus, codé par des adolescents dans des garages, etc.

    Du temps de Pythagore, il fallait payer pour utiliser une formule mathématique. Ce temps est révolu parce que l’on a trouvé une autre manière de faire vivre les chercheurs en mathématiques (j’en connais plusieurs et ils se portent bien). Peut-être qu’un jour, il en sera de même pour les programmes informatiques, qui sont aussi immatériels que les formules mathématiques (si l’on fait abstraction du support qui les véhicule).

    En attendant, la gendarmerie utilise Ubuntu, plus de la moitié des serveurs du monde tournent sous des systèmes d’exploitation libres (comme Debian) et les entreprises qui font du libre se portent bien (Canonical, Red Hat…) parce que leur économie basée sur le service fonctionne. La plupart des programmeurs qui font du libre sont payés pour le faire (qu’ils soient employés par des entreprises ou universitaires), et les autres le font par plaisir (c’est un hobby sans doute plus utile que de jouer aux jeux vidéos). Ils sont probablement beaucoup moins souvent exploités que les stagiaires de Microsoft ou Apple. Linus Torvalds, le fondateur de Linux, vit très bien, et Andrew Tanenbaum, le fondateur de Minix (souvent considéré comme l’ancêtre de Linux) est toujours professeur à la Vrije Universiteit d’Amsterdam. Linux et Minix sont toujours distribués de manière libre et gratuite et ont fait la fortune de leurs fondateurs – précisément parce que ceux-ci sont maintenant invités comme experts un peu partout.

    Alors non, utiliser un logiciel libre ne vole personne, puisque l’éditeur ou les concepteurs du logiciel ont fait le choix de le distribuer gratuitement (pour des raisons diverses et variées). Un logiciel et radio-réveil sont très différents… Là, on fait de l’économie de l’immatériel.

    Cordialement,
    F. R.

    PS : Je vous réponds de manière personnelle et non sur la liste … parce que je pense que votre remarque est due à une méconnaissance du modèle économique du Libre. Mes réflexions ne sont destinées ni à me promouvoir au sein de la communauté documentaire, ni à vous rabaisser – chacun son domaine de compétences.

  8. dhennemand dit :

    Madame,
    Merci pour votre aimable courrier.
    Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne votre sujet, l’édition de logiciels libres, mais si je peux à mon tour vous donner un conseil, relisez l’annonce en question et vous constaterez que l’on ne fait pas mention de logiciel libre, mais d’outil gratuit.
    Ceci est tout à fait différent. Dans un cas nous évoquons un système déjà ancien de publication de code et de mise dans le domaine public d’une licence. Cela donne ainsi une chance d’adhésion à un nouveau standard par une communauté, comme l’a fait Philips avec sa cassette audio dans les années 60. Pour le code, dans le monde de l’Unix par exemple, en partageant le fruit d’un développement, cela permet à des sociétés de prestation de services d’adopter et de faire fructifier leur entreprise par le développement et la vente de progiciels. L’esprit s’y retrouve aussi car c’est en quelque sorte un geste de partage suscité par une volonté de briser les monopoles.
    Ma réaction n’est pas de commenter l’esprit et d’agresser la communauté que vous évoquez, mais de mettre en garde certains de vos collègues qui, bien qu’ayant eux-mêmes de plus en plus de mal à imposer leur expertise, mettent en péril par leur insouciance d’autres acteurs tout autant fragilisés.
    Comme vous le dites fort justement à chacun son domaine de compétence.
    Le mien est celui de l’image, de sa diffusion et de sa pérennisation, et je constate que chacun, consciemment ou non, évolue vers une compréhension dévoyée de ce domaine; images gratuites, logiciels gratuits. Il ne se passe pas une semaine l’où ne puisse lire une de ces annonces sur ce très utile forum.
    Les photographes vivent, les iconographes vivent, les éditeurs de logiciels vivent et il faut aujourd’hui réinventer du travail pour l’ensemble de la chaîne du document. Donc, vive une économie solidaire où chacun peut vivre!
    N’hésitez pas je vous prie à partager votre réaction avec vos confrères, il n’y aura aucun rabaissement en cela.

    Bien à vous,
    Daniel Hennemand

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