Retour vers l'article de photogestion.blog | Accueil photogestion.com | |
|
||
La station de radio française "Le Poste Parisien" était une des radios privées les plus importantes avant la dernière guerre. Nous voyons ici un concert dansant daté par le photographe de l'année 1934. Tirage argentique 23 x 17 cm, cachet au dos "Le portrait chez soi" Christian Duvivier, photographe, 71, rue Saussure Paris XVII. | ||
|
||
Cette photographie nous montre le grand auditorium du Poste Parisien, situé au 116b avenue des Champs Elysées. Cette image semble sonore, avec ses interprètes. Le pianiste à gauche, puis le guitariste et les cuivres plus à droite; avec un chanteur planté au centre et une charmante violoniste un peu raide. J’entends le répertoire de Fred Adison, d’Alix Combelle, de Ray Ventura, ou d’Alain Roman (ici présent). Cette image est lumière, une guirlande avec le nom de la station est accrochée au plafond et le fond de scène irradie de son décor en vitrail symbolisant le rayonnement radio électrique de la station à travers le monde. Le Poste Parisien était avant la guerre une des plus grandes radios privées d’Europe, avant sa disparition provoquée par le monopole d’état à la Libération. Cette radio privée vivait de la publicité; Robert Desnos en a été un des chantres! Cette image est architecture de par son cadre et ses lignes perpendiculaires; rideaux et parois absorbantes, plafonds en piège à sons, et ce vitrail monumental à la typographie concentrique Art Déco. L’image enfin est humaine et populaire, ce concert radiophonique dansant a attiré une cohorte de participants dans ce minuscule palais sans fenêtre. Est-ce un samedi soir ou un dimanche, en matinée? Beaucoup d’hommes et de femmes sont coiffés de chapeaux, un enfant, au centre, est porté sur les épaules de son père, certainement; le pompier de service est là aussi, sur la droite. L’assistance, prévenue de l’acte imminent du photographe, fixe l’appareil. La fête radiophonique s’immobilise-t-elle? L’image est-elle réellement sonore, ou bien les poses sont feintes, les mains du pianiste sur le clavier sont-elles fixes ou courent-elles sur l’ivoire ? Des deux ampoules sur le couvercle, laquelle est allumée, la rouge ou la verte ? L’attitude du violon fait croire à une pose, donc muette, mais ce n’est pas certain, peut-être pose-t-elle naturellement tout en jouant! Cet instant photographique a peut-être été calé juste avant l’attaque de l’orchestre, parti pour jouer un de ces succès de l’année, un de ceux que chante Albert Préjean ? “La crise est finie” : “… Nous vivons dans l’âge d’or, Crions le bien fort…” ou bien “Amusez-vous” : “…Foutez vous d’tout, la vie entre nous est si brève, Faites les cent coups, dépensez tout…”. 1934, c’est aussi l’année de la “nuit des longs couteaux”, Hitler fait assassiner à Munich les membres de l’aile gauche de son parti. Un grand frisson a certainement parcouru l’Europe, est-il parvenu jusqu’à cet auditorium du Poste Parisien sur les Champs Elysées ? Et puis les lumières se sont éteintes, le rideau tiré cache maintenant le fond de scène, quelques chaises attendent les interprètes d’une prochaine émission, au fond, la console, un micro sur pied et deux suspendus, à gauche, l’estrade du chef d’orchestre, de part et d’autre deux pianos fermés et éteints. Certainement une odeur de studio et un silence troublé par la ventilation, activée entre deux sessions d’enregistrement. Un lieu, deux photographies, deux représentations inconciliables d’un même espace. |